par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)
Je dois passer au confessionnal. J’aime la danse mais je m’y sens imposteur. Je ne suis pas un expert de danse et, quand on m’y invite, c’est souvent pour que je partage mon impression par la suite, que je livre ma critique de ce que j’ai vu. Lorsque l’on me propose un spectacle de danse que je ne m’explique pas de manière cérébrale, que je ne comprends pas, je peux néanmoins l’apprécier mais je peine à en parler parce que je ne suis pas un expert en danse. Loin de là. Donc, malgré mon appréciation de la danse et ma capacité à m’y abandonner, je me déplace souvent à reculons pour voir un spectacle de danse surtout parce que j’aurai à en parler après et – aurai-je quelque chose de pertinent à dire ?
Devant Morphs et le travail de Lina Cruz, toutes mes inquiétudes, mes insécurités se sont évaporées dès les premiers mouvements, dès les premières notes de musique. Je me suis senti accueilli dans un univers parallèle qui ne me tenait pas à l’écart. Dès le premier tableau dans lequel on intégrait à merveille le multi-instrumentiste-comédien Philippe Noireaut, mes yeux se sont écarquillés, ma bouche s’est ouverte derrière mon masque et j’ai voulu que les cinq danseurs et le musicien complices de Lina Cruz entrent en moi et se sentent aussi bienvenus dans mon cœur, dans mon âme, dans mon imaginaire de spectateur néophyte.
Intégrant mots, sons, percussions corporelles, instruments, chant, des airs connus comme le Boléro de Ravel et la Carmen de Bizet, usant de chuchotements, d’accessoires comme des lumières, des élastiques, des tissus, des éléments de costumes qu’ils manipulent avec une aisance et une originalité sublimes, ces morphs nous entraînent dans un monde duquel on ne veut pas sortir. Si rafraîchissante, particulièrement après avoir été privés de tant de beauté et de brillance pendant aussi longtemps, la proposition de Lina Cruz, empreinte d’autant de sensualité que d’humour, de prouesses physiques que d’audace, est un véritable cadeau pour tous les sens.
Dans un enchaînement de tableaux d’une belle cohérence mais qui ne tombe jamais ni dans la répétition ni dans la monotonie, Morphs propose autant de délicieux clins d’œil à Singing in the Rain que des numéros coquins, mais dénonciateurs d’une certaine réalité comme 5 cents l’orgasme. Vraiment difficile de ne pas juste se laisser tomber sous le charme de Philippe Noirault, Elinor Fueter, Abe Mijnheer, Geneviève Robitaille, Alexandra Saint-Pierre et Antoine Turmine qui embrassent sans retenue cette brillante proposition d’une grande artiste que je découvrais pour la première fois, cette fascinante chorégraphe/metteure en scène Lina Cruz qui donne à la danse une théâtralité et une musicalité qui rallient, qui allient, qui rassemblent.
Vivement une reprise et une tournée pour Morphs et… encore, encore, encore des spectacles de Lina Cruz.
Morphs de Lina Cruz Chorégraphie: Lina Cruz Interprètes: Elinor Fueter, Abe Mijnheer, Philippe Noireaut, Geneviève Robitaille, Alexandra Saint-Pierre, Antoine Turmine Musique: Philippe Noireaut Lumières: Thomas Godefroid Scénographie et costumes: Lina Cruz Assistante à la réalisation des costumes et des accessoires: Cheryl Lalonde Régie son: Éric Vincent Direction technique: Thomas Godefroid assisté de Claudio Castillo Production: Productions Fila-13 Coproduction: Agora de la danse Résidences de création: Agora de la danse, Maison de la culture Notre-Dame-de-Grâce 27 au 30 octobre 2021 (55 minutes sans entracte) Agora de la danse, Édifice Wilder, 1435, rue de Bleury, Montréal Réservations: 514-525-1500 – www.agoradanse.com
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