par Yanik Comeau (Comunik Média / ZoneCulture)
Quand de grands artistes se réunissent sur des projets, unissent leur force en un ultime projet après avoir souvent travaillé ensemble, on s’attend à ce que l’aboutissement soit le résultat d’une recherche profonde où la communication naturelle déjà installée entre les artistes aura permis d’aller plus loin que jamais. On peut penser aux collaborations de René Richard Cyr avec Benoit McGinnis, de Brigitte Haentjens avec Anne-Marie Cadieux, Sébastien Ricard, Jean-Marc Dalpé, Céline Bonnier…, de Francis Ducharme avec Florent Siaud, entre autres. On connaît déjà la complicité que Francis Ducharme partage avec Catherine Gaudet et Brigitte Haentjens et le respect mutuel entre la chorégraphe et la metteure en scène. Alors quand on apprend que ce trio va s’unir pour créer un «anti-spectacle» autour du «mythe du héros tragique», comment ne pas avoir des attentes très hautes ?
Il ne faut pas s’étonner que cette proposition artistique soit déstabilisante pour le public dès l’entrée en salle. On reconnait aussi rapidement la signature de Catherine Gaudet avec des gestes répétitifs ad nauseam de l’interprète qui, éventuellement, ajoutera des variantes qui feront foi de sa virtuosité. On ne s’étonne pas non plus que la dernière heure (sur 75 minutes environ) de l’anti-représentation fasse appel à l’endurance physique et à la démesure de l’interprète Francis Ducharme qui ne recule devant rien et s’éclate plus que jamais dans cet immense terrain de jeu qu’est l’Espace Orange de l’Agora de la danse, transformé en quelque sorte en grande palestre aussi flexible que le danseur-comédien.
Cependant, lorsqu’on nous présente le spectacle d’ouverture de la saison de l’Agora de la danse avec un argumentaire qui se lit comme suit: «Les héros doivent affronter forces du mal et monstres divers. Dans la tragédie, ils se frottent à la tentation de l’orgueil et de la démesure. Ils se distinguent par leur arrogance et fautent par outrecuidance et fragilisent l’équilibre du monde en transgressant ses lois. Leurs destins sont implacables, passant d’une ascension fulgurante à leur chute, victimes de leurs excès, expiant le fardeau de la vanité humaine. Ducharme affrontera ainsi les monstres qu’incarnent un texte touffu et périlleux, rassemblant les plus grands classiques tragiques, ainsi qu’une partition gestuelle épique, complexe, haletante. Un défi plus qu’ambitieux, à la mesure du talent de cet interprète d’exception.» et qu’en bout de ligne, on n’y reconnaît qu’un héros mythique/mythologique (le lien avec Sisyphe est à peu près la seule chose que l’on détecte vraiment) et que le spectacle ne comporte pas de texte, on est en droit de se demander si cette série d’étranges tableaux n’a pas fini par être qu’un défoulement pour (en effet) un «interprète d’exception» qui, malheureusement, bien qu’en allant chercher la complicité de plusieurs spectateurs au courant de la représentation, ne laisse pas le public avec beaucoup plus qu’un sentiment d’admiration pour sa forme physique.
Quelques petites surprises étonnent pendant la représentation, quelques moments laissent bouche bée, mais au-delà des amis de l’interprète qui assistaient à la représentation et étaient pris de fou-rires inexplicables pour ceux et celles qui ne comprennent pas l’inside joke, on sort bien déçus de cette étrange manifestation pour laquelle on avait des attentes très élevées.
Notez que je ne publie pas de photos et que je n’inclus pas la bande-annonce du spectacle qui, à mon avis, sont trompeuses.
Mains moites Chorégraphie et mise en scène: Catherine Gaudet et Brigitte Haentjens Interprète: Francis Ducharme Conception sonore et musicale: Tomas Furey Scénographie et accessoires: Julie Measroch Éclairages: Martin Sirois Costumes: Marilène Bastien Répétitions: Sophie Michaud Direction technique et régie: François Marceau Direction de production: Mégane Trudeau Production: Compagnie Catherine Gaudet et Sibyllines Coproduction: Agora de la danse Résidences de création: Le LAVI (Laboratoire Arts Vivants et Interdisciplinarité), La Cité des Hospitalières en transition, Agora de la danse Du 6 au 8 septembre 2023 à 19h, 9 septembre à 16h (durée: 75 minutes sans entracte) Supplémentaires: 13 et 14 septembre à 19h Information: https://agoradanse.com/evenement/mains-moites/
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