par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)
Créée en 1968, traduite en plusieurs langues, jouée aux quatre coins de la planète, Les Belles-Sœurs est un des premiers classiques de la dramaturgie québécoise, la pièce qui a fait connaître son auteur tant chez nous qu’à l’étranger. Au fil des années, le comédien et metteur en scène René Richard Cyr, digne descendant de l’âme sœur professionnelle de Tremblay, André Brassard, est devenu un véritable tremblayrologue, ayant monté une dizaine de ses pièces et adaptations en plus d’adapter lui-même en théâtre musical – avec la complicité de Daniel Bélanger – Les Belles-Sœurs et Sainte-Carmen de la Main.
Quatorze ans après la création de Belles-Sœurs Musical sur scène, un succès monstre qui a tourné pendant des années et entamé une révolution au niveau du théâtre musical au Québec, la matière de base de cette œuvre devient la bougie d’allumage d’une adaptation au cinéma très attendue. Parce que oui, on retrouve plusieurs des chansons du théâtre musical, certaines adaptées, raccourcies ou triturées (question de faire de la place à d’autres éléments sans faire un film de quatre heures !), mais dans son scénario, René Richard Cyr ratisse beaucoup plus large. Il présente des personnages dont on ne mentionnait que le nom au passage dans l’œuvre originale contrainte à la cuisine de Germaine (entre autres, on voit que le Henri de Germaine, joué par Steve Laplante, est très amoureux de sa femme et que c'est réciproque), utilisant le médium cinéma pour nous sortir dans la ruelle (comme le faisait le téléthéâtre d’En pièces détachées réalisé par Paul Blouin dans les années 1970), nous amener dans le club et dans le snack-bar (comme le faisaient les films de Brassard Françoise Durocher, Waitress et Il était une fois dans l’Est), chez les autres «belles-sœurs» comme le faisaient les romans des Chroniques du Plateau Mont-Royal). Le scénario de René Richard Cyr fusionne aussi des personnages, se permet des caméos clins d’œil formidables et des entorses à la ligne du temps. Mais je mets au défi n’importe quel expert des Belles-Sœurs de s’en offusquer !
Comme metteur en scène, René Richard Cyr a toujours été reconnu pour faire des distributions audacieuses, proposer des comédiennes et des comédiens qu’on n’attendrait pas nécessairement dans certains rôles. Ici, alors que les interprètes sont appelées à jouer, danser et chanter, il rassemble des comédiennes chevronnées aux expériences de danse et de chant limitées, des chanteuses aux expériences de jeu et de danse limitées, etc. Le résultat est foudroyant ! On ne peut que s’incliner devant la magie de ce champion des équipes. Au-delà des brillantes Geneviève Schmidt (parfaite Germaine), Guylaine Tremblay (Thérèse Dubuc maganée à souhait), Anne-Elisabeth Bossé (criante de vérité en Rose), Debbie Lynch-White (une Des-Neiges Verrette qui vous arrache le cœur avec sa chanson confidence Le Vendeur des brosses), Valérie Blais (une Lisette de Courval dont on peut beaucoup mieux comprendre la misère derrière le faux-fini snob), Pierrette Robitaille et Diane Lavallée en Rhéauna et Angéline, les vieilles filles plus âgées enfin présentées clairement plus que comme de vieilles amies colocataires de longue date, on découvre Jeanne Bellefeuille (fille de Nathalie Mallette et Robert Bellefeuille en Linda Lauzon/Lise Paquette) et on s’incline devant Véronic DiCaire (beaucoup plus que juste une chanteuse à voix dans le rôle de Pierrette) et Ariane Moffatt (qui aurait pu l’imaginer en Yvette Longpré et pourtant, ça marche), les belles surprises qui me faisaient craindre le pire. Note à moi-même : toujours faire confiance à René Richard Cyr.
Le film tout entier, au-delà du simple divertissement, est un magnifique hommage à Michel Tremblay et à son œuvre. La direction artistique de Jules Ricard à elle seule mériterait le déplacement et se déploie dans toute sa splendeur sur grand écran, colorée et vivante. La majorité des arrangements musicaux et vocaux ont été repensés – étonnent par moments – mais demeurent néanmoins respectueux des fans du théâtre musical créé au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui en 2010.
Nos Belles-Soeurs est donc un succès sur toute la ligne. Vous m’en voyez tout aussi heureux que soulagé.
Chaudement recommandé.
Nos Belles-Soeurs Réalisation et scénario de René Richard Cyr d’après Les Belles-Sœurs de Michel Tremblay Interprétation: Geneviève Schmidt (Germaine Lauzon), Guylaine Tremblay (Thérèse Dubuc), Debbie Lynch-White (Des-Neiges Verrette), Anne-Élisabeth Bossé (Rose Ouimet), Valérie Blais (Lisette de Courval), Ariane Moffatt (Yvette Longpré), Jeanne Bellefeuille (Linda Lauzon), Véronique DiCaire (Pierrette Guérin), Pierrette Robitaille (Rhéauna Bibeau), Diane Lavallée (Angéline Sauvé), Véronique Le Flaguais (Olivine Dubuc), Benoît Brière (animateur de bingo), René Richard Cyr (monsieur Simard, le vendeur de brosses), Maxime Le Flaguais (Johnny), Steve Laplante (Henri Lauzon), Mégane Proulx (Carmen Ouimet), Isabelle Blais (Thérèse), Guillaume Cyr (Roland Ouimet), Yves Jacques (animateur de radio), Cédric Blais (Robert Bergeron), Charles-Aubey Houde (livreur), Sylvio Archambault (Tooth-Pick)… 1ère assistante à la réalisation: Émilie Malo Conception sonore: Marie-Claude Gagné Chorégraphie: Alexandre Leblanc Katerine Leblanc (Team White) Costumes: Francesca Chamberland Direction artistique: Jules Ricard Distribution des rôles: Lucie Robitaille, Dandy Thibodeau Directeur-photo: Yves Bélanger Musique: Daniel Bélanger Montage images: Arthur Tarnowski Postproduction: Guy Langlois Son: Martin Desmarais, Luc Boudrias, François Arbour Production: Denise Robert Producteur associé: Martin Desroches Productrice déléguée: Sylvie Trudelle Société de production: Cinémaginaire Distribution: TVA Films En salle depuis le 11 juillet 2024 (durée: 1h42)
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