par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)
Après avoir fait ses classes et être devenue une reine du vidéoclip (ayant travaillé avec Daniel Bélanger, Laurence Jalbert, Vilains Pingouins, Marjo, Pierre Flynn,…), la formidable réalisatrice Lyne Charlebois, sœur de la comédienne Marie Charlebois, a réalisé des séries télé mémorables comme Tabou, Nos étés, Toute la vérité, Eaux turbulentes, entre autres. Au cinéma, on lui doit Borderline, son premier long-métrage, et la voilà qui arrive maintenant avec un nouveau film qu’elle scénarise et réalise, dans un tout autre univers, celui des échanges épistolaires entre l’étudiante douée et passionnée de botanique Marcelle Ferron et le Frère Marie-Victorin à qui l’on doit La Flore Laurentienne et le Jardin Botanique de Montréal.
Le résultat est un film d’une grande poésie et très audacieux, tant au niveau de la distribution (on ne penserait pas à Alexandre Goyette à prime abord dans le rôle de Marie-Victorin, mais en réalité, il incarne Antoine qui joue Marie-Victorin dans cette mise en abîme) qu’au niveau des choix d’extraits de lettres qui sont lues en narration sur des images splendides. Malgré le fait que les recherches du Frère Marie-Victorin et de Marcelle Ferron sur la sexualité humaine soient demeurées chastes, professionnelles et purement scientifiques, les tentations de l’homme de Dieu et de sa protégée, bien qu'elles ne se soient jamais matérialisées autrement que dans leurs fantasmes respectifs, sont néanmoins présentées aussi avec beaucoup d'audace. Contrairement aux acteurs qui sont appelés à les jouer dans le film à l’intérieur du film qui ont eu une aventure qui les a sérieusement hypothéqués. C’est comme si, dans son scénario, Lyne Charlebois avait voulu montrer le chaos qui aurait pu se produire si Conrad (le prénom de baptême du Frère Marie-Victorin) et Marcelle avaient succombé à leur passion. Fascinant.
Par moments, la réalisatrice nous joue des tours, passant du film à l’intérieur du film aux acteurs qui répètent des scènes. À d’autres moments, c’est l’inverse. Dans deux scènes en particulier impliquant Alexandre Goyette, une avec Sylvie Moreau, l’autre avec Mylène Mackay, le montage est absolument brillant et les nuances sont infimes. C’est vraiment savoureux ! Bien que le scénario possède quelques longueurs, on se laisse transporter tant par la beauté de la poésie que l’on entend que la poésie que l’on voit. Les images somptueuses de la nature, les gros plans sur les fleurs, les insectes, les gouttes de rosée… les images érotiques exemptes de nudité mais tellement étonnantes dans leur vérité, dans leur efficacité. Ce film est volontairement lent et il faut prendre le temps de le déguster comme on mangerait dans un restaurant de slow food.
Les performances des acteurs aussi, surtout ceux qui ont à jouer les personnages et les acteurs qui les jouent (Alexandre Goyette, Sylvie Moreau, Mylène Mackay, Rachel Graton et Francis Ducharme), sont toutes excellentes. On est aussi particulièrement touchés par une scène entre Mylène Mackay et Vincent Graton qui incarne son père de façon tellement bienveillante et généreuse.
Dis-moi pourquoi toutes ces choses sont si belles est un film à voir, dans la lignée de La Leçon de piano de Jane Campion ou Hôtel Silence de Léa Pool. J’irais même jusqu’à dire qu’il pourrait bien représenter le Canada aux Oscars pour Meilleur film en langue étrangère.
Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles Scénario et réalisation de Lyne Charlebois inspiré librement des échanges épistolaires de Marcelle Ferron et du Frère Marie-Victorin Interprétation: Alexandre Goyette, Mylène Mackay, Rachel Graton, Francis Ducharme, Sylvie Moreau, Marianne Farley et Vincent Graton 1er assistant à la réalisation: Eric Parenteau Costumes: Sophie Lefebvre Direction artistique: Yola Van Leeuwenkamp Direction de production: Renée Gosselin Distribution des rôles: Geneviève Hébert avec la collaboration de Catherine Didelot Direction de la photographie: André Dufour Musique: Viviane Audet, Joël-Robin Cool et Alexis Martin Montage: Yvann Thibodeau Son: Claude La Haye, Jean-Philippe Savard et Stéphane Bergeron Producteur: Roger Frappier Productrices associées: Sylvie Lacoste et Veronika Molnar Société de production: MAX Films Distribution: Les Films Opale En salle depuis le 21 juin 2024 (durée: 1h39)
Comments