À quatre ans d'intervalle, nous perdions une grande autrice et une comédienne qui avait marqué son époque. Aujourd'hui, je vous parle de Jovette Marchessault et d'Estelle Piquette.
2012: Décès de Jovette Marchessault
Peintre, sculpteure, romancière et dramaturge, Jovette Marchessault est une autodidacte née dans un milieu ouvrier montréalais. Une de nos autrices les plus sous-estimées, son oeuvre foisonnante mérite d'être découverte, redécouverte, reportée à la scène. «Adolescente, elle travaille dans une usine de textile où elle rencontre des ouvrières de toutes les langues et de toutes les couleurs,» nous apprend sa biographie sur le site du Centre des auteurs dramatiques (CEAD). «Vers la fin des années 1950, elle entreprend une quête à travers l'Amérique, à la recherche de son identité et de ses racines spirituelles.» En 1970, elle assumera enfin sa vocation d'artiste, et exposera ses fresques, masques et personnages telluriques à la Maison des arts La Sauvegarde à Montréal. Au fil des années, elle sera l'objet de plus d'une trentaine d'expositions solo chez nous mais également à Toronto, New York, Paris et Bruxelles. Elle écrira aussi, bien sûr, s'inspirera de femmes importantes qui ont marqué l'histoire, les arts, la littérature, le féminisme. Elle parlera de Gertrude Stein, d'Alice Toklas, de Renée Vivien (Alice & Gertrude, Natalie & Renée et ce cher Ernest), d'Anaïs Nin (Anaïs, dans la queue de la comète), Laure Conan, Gabrielle Roy, Germaine Guèvremont, Anne Hébert (La Saga des poules mouillées), Clara Malraux, Nathalie Sarraute, Simone de Beauvoir (La Terre est trop courte, Violette Leduc) et l'artiste-peintre Emily Carr dans sa pièce Le Voyage magnifique d'Emily Carr qui remportera le Prix du Gouverneur général du Canada en 1991. Jovette Marchessault est décédée le 31 décembre 2012 à l'âge de 74 ans. En 2019, le Conseil des arts de Montréal (CAM) et ESPACE GO s'associaient pour créer le Prix Jovette-Marchessault pour souligner la contribution importante des femmes artistes en théâtre, en collaboration avec Imago Théâtre, le Théâtre de l’Affamée et le mouvement des Femmes pour l’Équité en Théâtre (F.E.T.).
2016: Décès d’Estelle Piquette
Comédienne et diseuse née le 15 novembre 1926 à Montréal, Estelle Piquette a étudié auprès de la célèbre Mme Audet de 1943 à 1948 et s'est perfectionnée en art dramatique avec Jeanne Maubourg-Roberval et Sita Riddez, comme nous l'apprend Claire Dé dans le Dictionnaire des artistes du théâtre québécois. Elle étudiera aussi la musique, le chant et la danse et sera nommée la «Blanche-Neige de l'est du Canada» par le concours RKO Motion Pictures, un des grands studios d'Hollywood à l'époque. Elle multipliera les radioromans (Rue Principale, Grande Soeur, Rue des Pignons, Maman Jeanne), les dramatiques radio (Quatuor avec Jean Duceppe, Maria Goretti...) et les radiothéâtres «sans oublier ses incarnations féériques de l'Encan des rêves et du Théâtre dans ma guitare du jeune Félix Leclerc.» Avec la série Madeleine et Pierre d'André Audet qui est porté à la scène, elle fait ses débuts sur les planches du Monument National en 1944 (La Brigade Blanche) et l'année suivante avec Madeleine et Pierre 45 pour lequel Alfred Pellan signe ses premiers décors et costumes de théâtre. Avec L'Équipe de Pierre Dagenais, elle est la servante de l'Ogre dans Le Grand Poucet de Claude-André Purget présenté au Gesù en 1946 et elle sera la première Agnès de L'École des Femmes de Molière en sol québécois. Claire Dé nous rappelle que Jean Luce de La Presse, à l'époque, a dit d'elle: «[...] un [...] être naïf, gracieux et ingénu, comme il s'en trouve dans les contes de fées [...], tout en nuances et en poésie.» Dans La Duchesse et le Roturier, Michel Tremblay parle d'elle et Claire Dé affirme qu'elle «scientilla dans le ciel des interprètes telle une comète durant une décennie, puis interrompit sa carrière par amour.» Elle quitte Montréal pour Baie-Comeau où elle s'installe avec son mari Jean Gareau. Elle a 90 ans au moment de son décès.
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