Aujourd'hui, dans les éphémérides du théâtre québécois, nous soulignons la création de Les Larmes volées de Jacqueline Barrette et les décès des grands Jean-Louis Roux et Jean Salvy.
1986: Création sur scène de Les Larmes volées de Jacqueline Barrette
Présentée d'abord comme une dramatique télé en deux épisodes à Radio-Québec le printemps précédent, Les Larmes volées est une pièce sur l'obésité et la solitude. Elle a aussi été publiée chez Leméac dans la collection Théâtre. Francine et Claudette étaient jouées, tant à la télé que lors de la reprise sur scène, par Jacqueline Barrette et Mireille Thibault respectivement alors que le docteur Marcoux était interprété par Paul Hébert.
2013: Décès de Jean-Louis Roux
Né le 18 mai 1923 à Montréal, Jean-Louis Roux s'est éteint à 90 ans après avoir connu une carrière prodigieuse qui s'est étalée sur sept décennies. Comédien, metteur en scène, auteur, traducteur, cofondateur et directeur artistique du Théâtre du Nouveau Monde, il a joué plus de 200 rôles au théâtre, à la télé et au cinéma... mais surtout au théâtre... parfois télévisé! Après trois ans d'études en médecine (il était destiné à suivre les traces de son père et de son grand-père), il accepte la piqûre que le théâtre lui a donnée au collège et travaille avec Ludmilla Pitoëff chez Les Compagnons de saint Laurent. La comédienne française d'origine russe le fera ensuite jouer dans L'Échange de Claudel, puis avec Jean Gascon dans Le Pain Dur du même auteur et dans Phèdre de Racine. Il ira ensuite parfaire son art en France avec l'ami Gascon pendant trois ans. Sur le chemin du retour avec Janine Sutto, qui revient aussi d'un séjour de formation à Paris, les premiers balbutiements du TNM prennent forme. Mais avant le TNM, c'est le Théâtre d'Essai que Jean-Louis Roux fonde avec Éloi de Grandmont, une sorte de préambule, une petite compagnie qui montera entre autres son Rose Latulipe. Avec la fondation du Théâtre du Nouveau Monde et sa première production, L'Avare de Molière, en 1951, c'est un regain d'énergie que reçoit le théâtre montréalais. Il y joue avec Janine Sutto et Jean Gascon qui signe aussi la mise en scène. Jean-Louis Roux assumera le titre de Secrétaire général de la jeune compagnie de 1953 à 1963 et la direction artistique au départ de Gascon en 1966 et jusqu'en 1982. Il traduit Shakespeare et d'autres auteurs anglais et américains, adapte d'autres oeuvres, monte plus de cinquante pièces. Comme directeur artistique, il ouvre la porte au théâtre québécois, aux voix audacieuses (Dario Fo, Claude Gauvreau, Roch Carrier, Jean Barbeau, Jean Daigle, Marc F. Gélinas, Réjean Ducharme, la troupe de La Nef des Sorcières, Denise Boucher avec ses Fées ont soif, spectacle qu'il défendra avec véhémence malgré les menaces de coupures de subventions et les hésitations du conseil d'administration). Au fil des années, il jouera beaucoup Molière, Shakespeare, Claudel... mais participera aussi à nombre de créations: L'Oeil du peuple d'André Langevin dont il signe aussi la mise en scène, Anaïs dans la queue de la comète de Jovette Marchessault, Fragments d'une lettre d'adieu lus par des géologues de Normand Chaurette, Aurore, l'enfant martyre montée par René Richard Cyr au Quat'Sous, Saganash de Jean-François Caron, Le Temps des Lilas de Marcel Dubé qu'il jouera aussi en anglais, William S d'Antonine Maillet. Son idée de monter L'Ouvre-boîte de Victor Lanoux et de jouer avec Yvon Deschamps s'avérera un coup de génie: ils donneront plus de 100 représentations au Théâtre du Nouveau Monde, au Théâtre du Trident et en tournée. Au fil des années, il accumule les honneurs: Prix Victor-Morin en 1969, prix Molson, World Theatre Award, prix Denise-Pelletier, il est nommé membre de l'Ordre du Canada et membre de l'Ordre national du Québec. En 1994, il est nommé au Sénat puis lieutenant-gouverneur du Québec par le Premier Ministre Chrétien l'année suivante, ce qui cause tout un émoi. Il démissionne rapidement de ce poste mais est nommé président du Conseil des Arts du Canada, fonction qui lui sied beaucoup mieux et qui est beaucoup moins controversée. Il y sera pendant 6 ans. En 1997, il publie Nous sommes tous des acteurs, un essai autobiographique bourré de souvenirs fascinants. En 2004, il reçoit non seulement le Prix du Gouverneur Général, mais l'École Nationale de Théâtre du Canada lui remet le Prix Gascon-Thomas en même temps qu'à Christopher Plummer (comme c'est la tradition, ce prix est remis simultanément à un artiste francophone et à un artiste anglophone). En fin de carrière, il sera dirigé par François Girard dans Le Procès de Kafka, il jouera dans Antigone de Sophocle et incarnera Don Louis dans Don Juan de Molière, deux mises en scène de Lorraine Pintal au TNM, sera dirigé par Denise Filiatrault au Rideau Vert dans La Visite de la Vieille Dame de Dürrenmatt avec Andrée Lachapelle et Ghyslain Tremblay, entre autres, et sera de la coproduction d'UBU et du TNM de L'Histoire du roi Lear de Shakespeare, mise en scène de Denis Marleau en mars 2012.
2016: Décès de Jean Salvy
«Jean Salvy est mort le 28 novembre 2016, à 83 ans, dans le sud de la France. Il était arrivé au Québec en 1972, après avoir rencontré Louise Marleau lors d’un tournage. Leur union, qui a duré douze ans, a donné naissance à une fille, Sarah-Jeanne Salvy, aujourd’hui psychologue.
«Surtout homme de télévision (il avait dirigé les émissions dramatiques à Radio-Canada de 1995 à 1999) cinéaste et scénariste (il a enseigné un temps à l’UQAM), il avait aussi signé plusieurs mises en scène au théâtre. Par exemple, il avait dirigé Yvette Brind’Amour au Rideau Vert dans Harold et Maude en 1979. Mais l’actrice qu’il aimait le plus diriger – et qui aimait par dessus tout être dirigée par lui –, ce fut Louise Marleau, même après la fin de leur union conjugale !
«Salvy m’avait confié un jour qu’il aimait travailler au minuscule Café de la Place (devenu aujourd’hui la salle Claude-Léveillée de la Place des Arts), avec des acteurs si proches des spectateurs. Il appelait cela du théâtre « à bout portant ». C’est là que Louise Marleau a atteint son apogée dans le rôle-titre de Mademoiselle Julie de Strindberg, pièce reprise à la première Quinzaine internationale du théâtre de Québec en 1984, où elle a récolté un prix d’interprétation des mains d’un jury présidé par la célèbre Liv Ullman.
«Louise Marleau, dirigée par Salvy, excelle aussi dans le rôle de la violoncelliste handicapée de Duo pour une soliste de Tom Kempinski, qu’elle joue en français et en anglais, dans plusieurs salles à partir de 1988. Réduite à l’immobilité (son personnage étant atteint de sclérose en plaques), la comédienne, minutieusement dirigée, se confiant à son psychiatre (Benoît Girard), explorait les infinies nuances d’un jeu où l’émotion était à couper au couteau… Salvy l’a aussi dirigée de main de maître dans des œuvres de Racine, Pinter ou Tennessee Williams.
«Comme son compatriote et aîné d’une dizaine d’années Jean Faucher, qui a fait des merveilles en dirigeant à la scène son épouse Françoise, ou son autre et prolifique compatriote Daniel Roussel, plus jeune d’une dizaine d’années, Jean Salvy excellait dans les nuances du jeu psychologique, épousant toutes les ressources des acteurs. Louise Marleau reconnaît que c’est grâce à lui – mentor autant que conseiller – que sa carrière a pris un tournant, quand elle est passée de la jeune première un peu passive à la comédienne mûre, forte et énergique.»
Michel Vaïs, docteur en études théâtrales, rédacteur émérite,
JEU revue de théâtre, 29 novembre 2016
2023: Création de Vacarmes, le concert théâtral, théâtre musical écrit par Denzel (Irdens Exantus), Annie Préfontaine, Cathy Fried, Aurélie Fortin, Jean L’Océan, David Noël en collaboration avec Marianne Beaudet (16 ans – Montréal), Maya Fiset (14 ans – Québec), Maëva Gagné (13 ans – St-Joachim-de-Shefford), Sam Gaudet (13 ans – Montréal) et trois groupes d’art dramatique, production Squelettes, Arts vivants, à la Salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier (Montréal)
Production touchante, drôle, intelligente, Vacarmes, le concert théâtral avait quelque chose de Où est-ce qu'elle est ma gang? créé dans les années 1980 par le Théâtre Petit à Petit. Un spectacle amusant et connecté sur son public. Lisez ma critique ici.
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