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«21» de Rachel Graton: Une contre une égale deux

Dernière mise à jour : 23 avr. 2019


par Yanik Comeau (Comunik Média / ZoneCulture)



Le 21 est un jeu de basketball qui se joue à peu. 2, 3, 4 joueurs. C’est le jeu qui sert de prétexte aux rencontres de Zoé, adolescente qui vit des difficultés et qui se trouve en centre jeunesse, avec Sara, une intervenante qui l’apprivoisera lentement mais sûrement. Zoé aime le basket. Elle manipule bien le ballon. Elle a joué avec son grand frère qu’elle aime par-dessus tout. Et au fil de leurs matchs, de leurs rencontres, Zoé s’ouvrira à Sara, s’épanouira, évoluera, fera un bout de chemin dans une des périodes les plus difficiles de la vie, même dans les meilleures conditions.




La nouvelle pièce de Rachel Graton, à qui l’on doit La Nuit du 4 au 5 présentée à l’automne 2017 à la même salle Jean-Claude-Germain où elle fait une résidence de création de deux ans, est truffée de dialogue pile-poil, bien roulé, intelligent, qui touche le spectateur par sa pertinence, sa vérité qui fait rire et qui touche. Les personnages sont bien définis, humains, imparfaits. Comme plusieurs thérapeutes, travailleurs sociaux, intervenants, on découvre que Sara aurait peut-être besoin de son propre thérapeute, travailleur social, intervenant. Mais elle a le cœur à la bonne place et elle fait bien son boulot. Comme bien des adolescents, Zoé – malgré son culot et la conviction qu’elle a d’être assez grande pour n’avoir besoin de personne – est ébranlée et affectée par la réalisation qui la frappe: ses parents ne sont pas parfaits, les héros qu’elle a mis sur un piédestal ne méritent pas de bronzes.



Bien que l’on puisse être agacé par ces narrations que l’auteure (ou la metteure en scène Alexia Bürger ?) impose aux personnages et qui nous font décrocher tout autant qu’elles alors qu’on aurait pu laisser faire étant donné que les titres des tableaux sont projetés sur le mur de fond, on ne peut nier les nombreuses qualités du texte. On fronce les sourcils devant une finale un peu escamotée – une fin ouverte, soit, mais difficilement justifiée après la soliloque de présentation de Sara au début de la pièce – même si on est très conscient de la réalité des jeunes laissés pour compte dans nos écoles, nos centres jeunesse, nos «maisons de réforme». Manque de ressources, oui. Mais… vous en dire plus vous en dirait trop.


Dans les premières minutes, le soir de la première, le niveau de jeu d’Isabelle Roy (Sara) était brinquebalant. Difficile d’avoir à ouvrir une pièce en s’adressant directement au public en personnage, mais 21 n’est pas la première pièce à proposer ce mécanisme, cette convention théâtrale. Ce n’est pas avant que Marine Johnson (Zoé) ouvre la bouche que l’on commence à croire au jeu d’Isabelle Roy. Du moins, c’était le cas, le soir de la première. Peut-être – sans doute – a-t-elle pris de l’assurance depuis. On le souhaite. Cette jeune Marine Johnson, âgée de 17 ans (et jouant 15), est hallucinante de vérité. Premièrement parce que ses répliques sont extrêmement bien écrites, dans un langage efficace et crédible sans tomber dans la caricature et l’exagération, deuxièmement parce qu’elle est magnifiquement dirigée par une metteure en scène qui a clairement établi un climat de confiance, et troisièmement parce qu’elle a un talent fou. Sa performance et la complicité qu’elle développe avec sa compagne de jeu épatent et donnent à la production toute l’énergie qu’il faut.



On aime le décor juste assez réaliste, juste assez fantaisiste créé par Max-Otto Fauteux. Ce décor dans lequel Marine Johnson peut nous montrer combien elle sait manier le ballon, dribbler, lancer. Le basketball, c’est le seul sport que j’ai dans le sang alors… on ne niaise pas avec ça chez nous ! J’ai été impressionné. A-t-elle appris pour le rôle ? A-t-elle toujours joué ? je ne sais pas, mais le résultat est là.


On aime les éclairages de Renaud Pettigrew et l’environnement musical créé par Larsen Lupin.


21 est un beau duel verbal, une belle rencontre intergénérationnelle, une pièce qui peut être appréciée autant par un public adolescent – comme en témoigne l’excellente réaction de l’adolescente assise non loin de moi le soir de la première – que par un public adulte. Si on lui proposait une nouvelle série de représentations scolaires à Fred-Barry (là où Claude Poissant, le metteur en scène de La Nuit du 4 au 5 est directeur artistique… ?) ou dans les maisons de la culture aux quatre coins de l’île ? Pas de doute qu’elle trouverait encore son public.


21 de Rachel Graton Mise en scène: Alexia Bürger Assistance à la mise en scène: Stéphanie Capistran-Lalonde Avec Marine Johnson et Isabelle Roy Scénographie: Max-Otto Fauteux Costumes: Sylvain Genois Éclairages: Renaud Pettigrew Consultant et coach: Raphaël Milot Musique: Larsen Lupin Mouvement: Jamie Wright Direction technique: David Poisson Direction de production: Marie-Christine Martel Une production de Rachel Graton, artiste en résidence à la salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’aujourd’hui Du 16 avril au 4 mai 2019 (1h30 sans entracte) *** Supplémentaires: 9, 10 et 11 mai 2019 Théâtre d’aujourd’hui – salle Jean-Claude-Germain, 3900, rue Saint-Denis, Montréal Renseignements : 514-282-3900 – theatredaujourdhui.qc.ca

Photos: Philippe Latour

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