Quatre naissances de grands disparus à souligner aujourd'hui dans les éphémérides du théâtre québécois.
1924: Naissance de Jean Faucher
Photo: Le Devoir
Né à Le Vézinet, en France, le metteur en scène et réalisateur Jean Faucher reçoit sa formation en art dramatique dans son pays d'origine où il rencontre et épouse Françoise Élias (devenue Faucher) avec qui il aura quatre enfants dont la comédienne Sophie Faucher. Il est mort le 1er février 2013 après avoir eu une longue carrière au théâtre et à Radio-Canada où il sera ni plus ni moins un homme de théâtre télévisé. Il dirigera des dizaines de téléthéâtres et adaptations théâtrales dont Les Frères Karamazov de Dostoïevski, Anna Karénine de Tolstoi, Lorenzaccio de Musset, Cyrano de Bergerac de Rostand et, bien sûr, des créations québécoises. À la Société d'État, il assumera aussi la direction des émissions dramatiques pendant plusieurs années. Au Théâtre du Rideau Vert, auquel il ne participe pas comme telle à la naissance, mais où il travaille beaucoup, il monte entre autres Claudel, Giraudoux, Musset, Roussin et Chapeau! du Canadien Bernard Slade dans une traduction de Luis de Cespedes et mettant en vedette Jean Besré. Jean Faucher avait 88 ans au moment de son décès.
1925: Naissance de Claude Gauvreau
Poète et dramaturge à la langue singulière, Claude Gauvreau est un des seize signataires du Refus Global. Né à Montréal, il meurt le 7 juillet 1971 à 45 ans, empallé par une clôture devant un immeuble de la rue Saint-Denis, après avoir passé une nuit blanche à travailler avec Jean-Pierre Ronfard à la mise en scène de sa pièce Les Oranges sont vertes dont la première aurait lieu six mois plus tard au Théâtre du Nouveau Monde. On a jamais su s'il était tombé, avait perdu l'équilibre ou avait voulu en finir dans un moment de délire. Souffrant de problèmes de santé mentale tout au long de sa courte existence, Claude Gauvreau a passé une partie de sa vie en clinique à l'Hôpital Saint-Jean-de-Dieu. Entre 19 et 21 ans, il écrit 26 objets dramatiques qui font déjà voir son style exploratoire, l'«exploréen», une forme d'écriture qui s'apparente à l'automatisme chez les peintres. Sa première pièce, Bien-être, qui voit le jour en 1947, met en vedette sa muse, son amour (non-réciproque), la comédienne Muriel Guilbault. Lorsque celle-ci se suicide en 1952, Gauvreau écrit son roman Beauté Baroque qui sera adapté à la scène quarante ans plus tard par Jean Salvy et présenté au Café de la Place de la Place des Arts avec Eric Cabana, Julie Vincent et Raymond Legault. Ses pièces les plus significatives ne seront pas jouées de son vivant non plus. Les Oranges sont vertes verront le jour au TNM en janvier 1972 et reprises dans une mise en scène de Lorraine Pintal en 1998. La Charge de l'orignal épormyable, bien qu'elle ait connu une création catastrophique au Gesù en 1970 (la représentation ne sera même pas donnée en entier !), connaîtra sa véritable création au Théâtre de Quat'Sous en novembre 1989 dans une mise en scène d'André Brassard et sera reprise au TNM l'année suivante. L'Asile de la pureté connaîtra sa création professionnelle en février 2004 mais c'est Yves Desgagnés, avec 35 étudiants de l'École Nationale de Théâtre, qui fera naître ce texte sur la scène du Monument National en 1988 avec la collaboration du frère de l'auteur, le scénariste et signataire (lui aussi) du Refus global Pierre Gauvreau qui aidera à mettre de l'ordre dans les «différents fragments» du texte, explique Yves Desgagnés. «C’est cette version que Lorraine Pintal a reprise pour sa production de 2004» et que Martin Faucher utilise pour la monter au Trident 5 ans plus tard. La Reprise ne sera créée qu'en 1994 au Centre du Théâtre d'Aujourd'hui. Provoquant toujours une fascination, le personnage de Gauvreau tout autant que son oeuvre a donné naissance au spectacle Signer d'Anne Legault à partir de ses textes et les événements entourant le Refus global, et La Rallonge a monté un spectacle Gauvreau (avec aussi des textes de Paul Claudel et Paul-Émile Borduas) monté à la Salle Fred-Barry en 1988.
1931: Naissance d’André Pagé
Né à Montréal, André Pagé était acteur et metteur en scène de théâtre ainsi que réalisateur à la télévision, Il a reçu sa formation théâtrale de Jeanne Maubourg avant d'entrée à l'École du TNM. Dans les années 50, il se fait connaître du public par ses rôles dans des téléromans et des téléthéâtres. À L'Égrégore, il signe des mises en scène remarquées comme Été et Fumée de Tennessee Williams et Comédie de Samuel Beckett. En même temps, Radio-Canada lui donne la responsabilité de repenser sa programmation jeunesse ce qu'il fait avec une vision peu commune. Il s'associe aux auteurs comédiens Roland Lepage et Marcel Sabourin pour créer la mythique Ribouldingue. Quand il devient directeur de l'École Nationale de Théâtre en 1971, il se donne le mandat d'inclure la dramaturgie québécoise, la réalité du théâtre québécois dans le programme. Il entraîne avec lui Michel Garneau, Michelle Rossignol, Jean-Claude Germain pour qu'ils viennent former les jeunes acteurs de demain. C'est lui aussi qui crée le programme d'écriture dramatique qui voit le jour en 1975. À l'automne 1981, il est choisi pour succéder à Jean-Louis Roux comme directeur artistique du Théâtre du Nouveau Monde mais s'enlève la vie quelques mois plus tard, avant même d'entrer en poste. Le studio de la rue Laurier de l'École Nationale de Théâtre porte son nom.
1937: Naissance d’Aubert Pallascio
Né à Montréal, le comédien Aubert Pallascio, fils du journaliste et écrivain Ernest Pallascio-Morin, a reçu sa formation théâtrale à Paris, principalement au Conservatoire national d'art dramatique. Avant de revenir au Québec, il jouera avec des grands de la Comédie Française et fera des rencontres mémorables. De retour au Québec, à cause de sa voix graveleuse et de sa carrure imposante, il jouera beaucoup de policiers et de bandits peu nuancés sur papier avant qu'on commence à lui confier des rôles à sa mesure. Pendant un moment, il jouera sous le pseudonyme Louis Aubert, sans doute pour éviter l'ombre de son célèbre papa. Il foulera les planches des plus grands théâtres autant que celles des petits, cherchant d'abord les rôles qui lui donneront un défi. Il sera de la création de Double Jeu de Françoise Loranger à la Comédie Canadienne, de celle de La Débâcle de Jean Daigle au Rideau Vert, de celles de Camille C de Jocelyne Beaulieu et René Richard Cyr, Je vous écris du Caire de Normand Chaurette et Jouliks de Marie-Christine Lê-Huu au Centre du Théâtre d'Aujourd'hui ainsi que de celles de La Maison cassée et La Nuit de la grande citrouille de Victor-Lévy Beaulieu. On le verra au Rideau Vert dans La Collection de Pinter et La Mouette de Tchekhov, au Théâtre Denise-Pelletier dans Florence de Marcel Dubé et Le Cid de Corneille, au TNM dans Hamlet de Shakespeare et La Dame aux camélias d'Alexandre Dumas fils, au Théâtre Populaire du Québec dans Désir sous les ormes d'Eugene O'Neill (qu'il avait aussi joué 20 ans plus tôt au TNM) et Le Chandelier de Musset, au Trident dans Québec printemps 1918 de Jean Provencher et Gilles Lachance et Les Sorcières de Salem d'Arthur Miller, chez Duceppe dans Bonne fête maman d'Élizabeth Bourget (qu'il avait créée au Bateau-théâtre L'Escale) et dans Pygmalion de George Bernard Shaw. Il jouera autant Antonine Maillet, Wajdi Mouawad et Jean-Marc Dalpé que Milan Kundera, Marivaux et Dario Fo. À la télé, on le verra dans des téléthéâtres (La Pie-grièche de Joseph A. Kramm, Lorenzaccio de Musset, Trois Femmes, un homme de Frédéric Valmain adaptée par Jean-Louis Roux) et des téléséries comme Race de monde, Terre humaine, L'Héritage, Omertà, L'Auberge du Chien Noir et Unité 9. Au cinéma, il a tourné avec Claude Fournier (Les Chats bottés), René Clément (La Course à travers les champs), Roger Fournier (Les Aventures d'une jeune veuve), Robert Favreau (Nelligan), John Greyson (Lillies - Les Feluettes), Jean-Marc Vallée (Liste noire), Bernard Émond (La Donation) et Claude Miller (Voyez comme ils dansent), entre autres. Il est décédé des suites d'un cancer à 82 ans à la Maison Saint-Raphaël de Montréal le 5 juillet 2020.
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