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«Le Terrier» de David Lindsay-Abaire: Repose en paix, mon enfant

Dernière mise à jour : 9 mars 2021


par Yanik Comeau (ZoneCulture / Comunik Média)



David Lindsay-Abaire est l’un des dramaturges américains les plus en vogue depuis la création de Fuddy Meers en 1999 au Manhattan Theater Club. Sa pièce Rabbit Hole, présentée sous le titre Le Terrier en reprise chez Duceppe après une création remarquée à la salle Fred-Barry en 2016, a reçu le prestigieux Prix Pulitzer en 2007 avant d’être adaptée au cinéma dans une production signée Nicole Kidman qui sera nommée aux Oscars et aux Golden Globes pour son interprétation de Becca. Une pièce qui résonne auprès de tous les publics aux quatre coins de la planète parce qu’elle traite d’un sujet universel et déchirant: la perte d’un enfant.



Poursuivant la tradition commencée par leur prédécesseur Michel Dumont avec des pièces comme 24 poses : portraits de Serge Boucher (Théâtre d’aujourd’hui) et À présent de Catherine-Anne Toupin (La Licorne), les nouveaux directeurs artistiques de Duceppe, Jean-Simon Traversy et David Laurin, emmènent à un plus vaste public une pièce qui mérite d’être vue et revue, découverte et redécouverte. Tristement cependant, l’intimité que requiert le texte est perdue dans l’immense salle Jean-Duceppe de la Place des Arts. Étonnant que les deux pièces mentionnées précédemment et combien d’autres œuvres – notamment La Ménagerie de verre de Tennessee Williams ou Les Muses orphelines de Michel Marc Bouchard – n’aient pas souffert autant de productions plantées au cœur de cette gigantesque scène. Est-ce la faute de la scénographie dépouillée de Cédric Lord malgré l’intéressante idée d’illuminer des accessoires abandonnés au sous-sol selon les scènes? Est-ce la faute du metteur en scène Jean-Simon Traversy qui aurait peut-être dû repenser cette disposition beaucoup plus adaptée à Fred-Barry qu’à Jean-Duceppe?



Une chose est certaine, on ne peut reprocher quoi que ce soit à cette distribution sans faille avec à sa tête une Sandrine Bisson toute en vérité, en intériorité et en nuances. Une mère éplorée par la mort de son fils, mais qui ne tombe jamais dans le pathos (on est bien loin de la tragédie de Médée ou d’Électre !), une des grandes forces du texte de Lindsay-Abaire, soignée par cette production, son metteur en scène et son interprète. Frédéric Blanchette, dans le rôle du père, est tout aussi efficace pendant que Pierrette Robitaille, habile tragédienne qu’on a cependant l’habitude de voir davantage dans des rôles comiques frôlant souvent le burlesque, nous fait passer par toute la gamme des émotions dans le rôle de Nathalie, la grand-mère colorée. Très agréable de voir Rose-Anne Déry (que j’avais découverte dans Table rase Z de Catherine Chabot l’an dernier à Espace Libre, excellente dans le rôle de la «petite sœur» qui a passé sa vie dans l’ombre de Becca, la grande sœur plus lisse, plus propre, à l’existence et aux choix moins compliqués) et André-Luc Tessier (très juste et touchant dans le rôle de Jason, celui par qui le malheur est arrivé), les fondateurs de Tableau Noir, la compagnie à l’origine de la création québécoise de Rabbit Hole.



Malgré l’immensité de la scène et de la salle du Théâtre Jean-Duceppe, malgré cette distance que je n’aie jamais sentie autant en plus de trente ans de fréquentation de Duceppe, Le Terrier demeure une belle production. Mais tant qu’à être à la Place des Arts, j’aurais déménagé le show vers la Cinquième Salle ou la Salle Claude-Léveillée… Il me semble que j’aurais vibré davantage aux battements de cœur de Becca.


Le Terrier de David Lindsay-Abaire Traduction: Yves Morin Mise en scène: Jean-Simon Traversy Assistance à la mise en scène et direction de plateau: Marie-Hélène Dufort Avec Sandrine Bisson, Frédéric Blanchette, Rose-Anne Déry, Pierrette Robitaille et André-Luc Tessier. Décor: Cédric Lord Costumes: Marie-Noëlle Klis Éclairages: Renaud Pettigrew Musique: Yves Morin – Étienne Thibeault Accessoires: Normand Blais Production de la Compagnie Jean Duceppe. 13 février au 23 mars 2019 (durée : 1h30 sans entracte) Théâtre Jean-Duceppe, Place des arts, Montréal. Billets: 514-842-2112

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