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«La Nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé» de Michel Marc Bouchard: Coup de cœur absolu !

Dernière mise à jour : 28 juin 2019

par Yanik Comeau (Comunik Média / ZoneCulture)


Qu’il écrive de grandes fresques romantiques ou historiques – ou les deux – ou des drames familiaux plus intimes, Michel Marc Bouchard est toujours attendu. Sa carrière, qui s’étale sur plus de quatre décennies, est parsemée de très peu d’insuccès et ceux-ci ne font certainement pas l’unanimité. Au fil des années, l’auteur a développé une affinité avec le metteur en scène Serge Denoncourt et avec le Théâtre du Nouveau Monde. Après avoir été créée à la petite salle Fred-Barry, Les Feluettes faisaient leur entrée sur l’immense scène de la Comédie Canadienne et le grand public l’adoptait.


Depuis ce temps, ce ne sont pas toutes ses nouvelles pièces qui ont été créées au TNM, bien sûr, mais plusieurs de ses œuvres les plus marquantes, notamment Christine, La Reine-Garçon et La Divine Illusion. Avec La Nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé, une pièce au «titre mystérieux» dira Lorraine Pintal, au titre trop long, trop compliqué pour s’en rappeler diront d’autres, au titre complètement ridicule et au bord de l’absurde diront d’autres encore avant de voir la pièce et de tout comprendre, c’est à un drame familial à la fois intime et régal, frugal et cérémonial entre Les Muses orphelines et Christine, La Reine-Garçon auquel il nous convie.



Comme dans Les Muses orphelines et dans Le Chemin des Passes-Dangereuses, c’est un drame intime et personnel qui ramènera un enfant prodigue au sein du noyau familial. Encore une fois, l’auteur explore avec la finesse qu’on lui connaît les thèmes qui lui sont chers: le secret, le silence, le mensonge, la vérité, la différence, la sexualité, le besoin de certains d’échapper au gouffre local, de fuir à l’étranger, d’y être reconnu… Il crée des personnages riches aux lourds passés, pas particulièrement attachants, ancrés dans une sorte de mythologie très bouchardienne qui s’apparente néanmoins à la grecque ou à la romaine.


Sans tout dévoiler – parce qu’une des nombreuses forces de Bouchard réside en ces couches qui seront révélées avec parcimonie, au compte-gouttes –, suffit de dire que l’histoire tourne autour de Mireille Larouche, une thanatologue de renommée internationale qui revient dans son Alma natale pour pratiquer son métier sur le corps de sa mère, entourée de ses trois frères et de sa belle-sœur, pour que tout le monde puisse participer au rituel. Quand Mireille était petite, elle se faufilait dans les maisons du voisinage pour regarder les gens dormir et, une nuit, pendant qu’elle observait un de ses dormeurs favoris, son Bel au Bois Dormant, un événement est venu bousculer toute la population et a laissé des cicatrices qui ne disparaîtront jamais.



Dirigeant avec subtilité et finesse une distribution hallucinante, Serge Denoncourt montre sa maîtrise de l’œuvre de Bouchard, sa sensibilité à ces parfums uniques. Le décor de Guillaume Lord, agrémenté des instruments médicaux et paramédicaux fournis par Aeterna et manipulés avec doigté grâce aux conseils de la thanatologue Carole-Ann Cadieux, ajoute ce qu’il faut de vérité à l’ensemble.


Mais sans cette distribution cinq étoiles rassemblée par Denoncourt, La Nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé ne serait qu’une magnifique partition. Le metteur en scène travaille année après année avec Magalie Lépine-Blondeau, Julie Le Breton, Kim Despatis et Eric Bruneau mais c’est dans cette production qu’on atteint le paroxysme de la grâce. Julie Le Breton touche l’infini. Magalie Lépine-Blondeau est méconnaissable, transformant sa voix, sa démarche, adoptant un accent crédible qui ne tombe pas dans la caricature. Sublime. Éric Bruneau brise un moule duquel le rôle de Denis lui permet d’échapper. Il est ailleurs. Patrick Hivon, dans le rôle de Julien, le frère aîné, est excellent. Et que dire de Mathieu Richard ? Incarnant Eliot, le plus jeune frère, il est transcendant. Touchant, drôle, coloré, nuancé. On se meurt déjà de le voir dans Amsterdam – Jacques Brel remonte sur scène cet été au même TNM.



Après un classique des classiques des plus réussis avec le Britannicus monté par Florent Siaud, le TNM termine la saison avec un classique de demain. La Nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé tombe du côté beaucoup plus lourd de la balance, celui des pièces marquantes de Michel Marc Bouchard. Un cadeau pour tous les amoureux de théâtre.


La Nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé de Michel Marc Bouchard Mise en scène: Serge Denoncourt Avec Julie Le Breton, Éric Bruneau, Patrick Hivon, Kim Despatis, Magalie Lépine-Blondeau et Mathieu Richard. Une production du Théâtre du Nouveau Monde 14 mai au 8 juin 2019 (Durée: 1h55 sans entracte) *** Supplémentaires: 9 au 15 juin 2019 *** Dix nouvelles représentations en 2020-2021: 22 au 31 octobre 2020 Théâtre du Nouveau Monde, 84, rue Sainte-Catherine Ouest, Montréal Billetterie: 514-866-8668, poste 1 - https://ticket.tnm.qc.ca

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